Pourquoi est-il si difficile d'écrire?
- Philippe MEIRIEU
Difficile mais nécessaire atterrissage: il faut du labeur pour entrer dans l’écrit.
On n’y parvient pas sans exercice. Il faut apprendre à poser correctement sa main sur le papier – pas du même côté selon que l’on est droitier ou gaucher. Il faut apprendre à tenir le crayon comme il faut. Il faut apprendre à maîtriser le geste : que toute l’intention passe dans la main… pour que la calligraphie d’un jour devienne l’habitude de toujours. Et puis, l’écriture est affaire de vitesse : comme au vélo, on ne trouve le bon équilibre, on n’acquiert les bons réflexes que si l’on ne va ni trop vite –au risque de brouiller le message – ni trop lentement – au risque de le fractionner. Pour y arriver, il faut apprendre à «faire les lettres» toujours de la même façon, la plus efficace, celle qui «coule le mieux». C’est la différence avec le dessin : quand on fait une fleur, on peut commencer par les pétales ou bien par la tige, cela n’a pas d’importance. Mais pour faire un a, il n’y a qu’une manière… celle que la maîtresse a utilisée au tableau.
José n’y arrive pas bien. Il trouve que, finalement, ce n’est pas si rigolo que ça de faire des ronds avec une petite queue. Il a besoin que l’adulte le rassure : c’est difficile et c’est normal. Mais il y a une promesse au bout du chemin : la promesse de trouver du plaisir à «coucher des mots» sur la feuille, à entendre la plume crisser, à sentir le feutre glisser, à aligner des lettres bien comme il faut. Il y a le plaisir d’avoir surmonté l’obstacle. Et la jouissance de tenir entre ses doigts ces petits bouts de discours miniatures qui constituent le plus fabuleux jeu de construction jamais inventé pour les enfants.